Alphonse Daudet : anecdotes de vie d’un Provençal à Paris
14 avril 1874, café Riche à Paris
Premier dîner du « groupe des cinq » réunissant Daudet, Zola, Flaubert, Goncourt et Tourgueniev. Tout à la fois cénacle de la bonne chère, réunion d’amis et tribune littéraire, ce groupe des cinq se retrouve autour de repas qui sont autant de moments de vie, de rires, d’excès et de doutes. D’abord organisés le lundi, puis plus irrégulièrement selon les séjours de Flaubert à Paris, les « dîners des auteurs sifflés » (tous s’étaient essayé au théâtre, mais n’avaient à leurs dires connu que les huées !) sont l’occasion pour Alphonse Daudet, 34 ans, « écrivain de langue d’oc » de rejoindre l’élite littéraire de Paris, et de nouer des relations de plume et d’estime. Il tisse en particulier une amitié profonde avec Edmond Goncourt dont il devient le légataire testamentaire, et dont il fixe la postérité en fondant un prix dont le prestige ne faiblit pas.
9 mars 1882, appartement d’Émile Zola à Paris
Retrouvailles du « Dîner des cinq », autour d’un menu immortalisé dans le Journal d’Edmond Goncourt. « Un fin dîner, composé d’un potage au blé vert, de langues de rennes de Laponie, de surmulets à la provençale, d’une pintade truffée. Un dîner de gourmet, assaisonné d’une originale conversation […] » Tourgueniev promet de faire découvrir le meilleur gibier du monde, puis se lance dans le récit plein de verve d’une dégustation de vin du Rhin dans une auberge allemande. Ce monologue enlevé est ponctué par des plaintes sur ce « chien de métier » d’écrivain et sur la « douleur que cause la moindre critique ». Et pourtant, note Goncourt, l’écriture est pour Alphonse Daudet « une espèce d’allégresse, de bonheur exalté […] qui ressemble à de la griserie : un état très particulier et que je n’ai constaté que chez lui. »
Que de chemin parcouru pour celui qui, petit garçon en nourrice dans la famille Trinquier, suivait tantôt le père aux champs, tantôt la mère au lavoir, apprenait le provençal et gardait en mémoire le « banc de pierre devant la maison », lieu de repos et de contemplation de ses collines lumineuses, « à mille lieues des brouillards parisiens » !