L’excursion dans les astres

Un texte tiré de Mes origines, mémoires et récits
de Frédéric Mistral

Un peu sur le principe de la lecture du soir pour les petits, la lecture offerte est un moment calme durant lequel on partage ensemble la découverte d’un livre. On ne réserve pas ce moment uniquement aux enfants qui ne savent pas lire, bien au contraire ! Vous pouvez choisir, par exemple, un roman, que vous lirez en plusieurs fois. Le but est de prendre plaisir à rentrer dans un récit tout en partageant un moment ensemble.

Et si on démarrait la tête dans les étoiles, avec ce joli texte de Frédéric Mistral ?

D’autres légendes de constellations…

Le Bouvier et la Tisserande

La légende chinoise des étoiles Altaïr et Véga parue dans le TétrasLire n°5 Étoiles

Les feuilles de bambou bruissent, bruissent,
Frissonnantes sous la corniche.
Les étoiles scintillent, scintillent,
grains de sable d’or et d’argent.

Enfant qui regarde les étoiles,
as-tu songé à leurs secrets ?
Cette rivière blanche qui traverse nos ciels d’été,
joliment nommée Voie Lactée,
ta-t-elle conté son histoire ?

En silence sous le firmament,
écoute la légende venue dExtrême-Orient.
Dans la fraîcheur du soir, écoute
la tragique destinée de Véga et Altaïr,
la tisserande et le bouvier.

Dans des temps très anciens, dans la lointaine Chine, un jeune homme honnête et curieux nommé Niulang. Il avait perdu ses parents très jeune et vivait avec son frère et sa belle-sœur qui le maltraitaient. Son seul ami était le vieux buffle de la ferme, qui l’aidait à cultiver son arpent de terre.

Un soir que Niulang pelletait de la paille dans l’étable, le buffle se mit soudain à parler, au grand étonnement du jeune homme : « Mieux vaudrait pour toi partir que supporter plus longtemps les méchancetés de ton frère et de sa femme. Prends tes affaires et emmène-moi avec toi. »

Niulang le bouvier partit donc avec son buffle. Ils marchèrent longtemps, ensemble gravirent des montagnes, longèrent des rivières argentées, traversèrent de lointaines forêts…

Un matin, le buffle reprit la parole : « Bon maître bouvier, au-delà de cette montagne se trouve un lac. Va te cacher dans les roseaux qui le bordent. Les sept filles de l’Empereur de Jade, maître du Ciel, viennent s’y baigner. Vole les vêtement de la septième, et ne les lui rends que si elle accepte de t’épouser. »

Niulang obéit et tout se passa comme le buffle l’avait dit. Caché dans les roseaux, il vit les filles de l’Empereur de Jade, belles comme des étoiles, se baigner dans le lac. Il vola les vêtements de la plus jeune, qui sortit de l’eau toute ruisselante et se mit à pleurer de ne plus trouver sa robe. Alors il se montra, la salua, et à ses mots pleins de douceur, elle sécha ses larmes, lui sourit et le suivit. Elle s’appelait Zhinu.

Ils se marièrent et coulèrent des jours heureux, le bouvier travaillant aux champs, la fille du Ciel tissant des soies légères comme la brume du soir, chatoyantes comme des soleils couchants. Leurs deux enfants jouaient devant la porte.

Un soir le buffle dit à Niulang : « Voilà que je vais mourir, mais je te laisse ma peau. Garde-la. Si tu la mets sur tes épaules, elle a le pouvoir d’exaucer un vœu. »

Durant toutes ces années, l’Impératrice du Ciel avait cherché sa fille. L’Empereur de Jade s’était irrité de ne plus la voir parer le soleil couchant de ses brocards de soie éclatants. Ils la trouvèrent enfin, et par une sombre nuit d’orage, L’Impératrice descendit jusqu’à la maison du bouvier et enleva la tisserande.

Au matin, Niulang et ses deux enfants cherchèrent en vain la belle Zhinu. Écrasé de chagrin, le bouvier mit la peau du buffle sur ses épaules, installa ses deux enfants dans des paniers pendus à une palanche, et fit le vœu de retrouver sa femme, où qu’elle se trouvât.

Aussitôt, il s’éleva dans les airs, rapide comme le vent, et commença à rattraper l’Impératrice du Ciel, qui montait vers les nuages, emprisonnant dans ses bras la tisserande en pleurs. Se voyant poursuivie, L’Impératrice se retourna, attrapa une épingle dans son chignon et raya le ciel de bout en bout, séparant à jamais le bouvier et la tisserande.

Niulang et ses enfants restèrent d’un côté, pleurant et se lamentant ; Zhinu se tenait de l’autre, ne pouvant retenir ses larmes. À force de se regarder sans pouvoir se rejoindre, ils se transformèrent en étoiles, et leurs larmes formèrent dans le ciel un grand fleuve scintillant, qu’on appelle aussi la Voie lactée. Depuis des siècles, Altaïr le bouvier, et ses enfants Alshain et Tarazad regardent en pleurant dans la nuit Véga la tisserande, éplorée de l’autre côté du fleuve céleste.

Ému par leur chagrin, l’Empereur de Jade leur permet toutefois de se retrouver une fois par an, le septième jour du septième mois lunaire, en franchissant la Voie lactée sur un pont formé par des milliers de pies.

Cette nuit-là, tendez l’oreille. Le vent répète doucement les mots d’amour que se murmurent le bouvier et sa tisserande.

Castor et Pollux

Le mythe grec de la constellation des Gémeaux, paru dans le TétrasLire n°58 Frères et Sœurs

Castor et Pollux sont jumeaux. Zeus, maître immortel de l’Olympe, est leur père. Leur mère est la douce Léda. Pollux est immortel et Castor ne l’est pas. Peu leur importe, ils sont si insouciants. Ils s’entendent à merveille, partagent les mêmes jeux. Audacieux, complices, facétieux, les deux enfants grandissent ainsi côte-à-côte.

Les voici jeunes hommes, montés sur deux chevaux d’un blanc éblouissant. Tout le jour, ils battent la campagne, admirés de tous, craints de tous, comme deux jeunes lions pleins de fougue.

Les deux frères ont deux cousins, Lyncée et Idas. Ces quatre-là se défient jour et nuit. Pour un troupeau de génisses, la joyeuse rivalité tourne en dispute ; et bientôt la dispute dégénère en combat. D’une flèche acérée, guidée par l’œil perçant de Lyncée, Idas transperce Castor. Zeus ne laisse pas le crime impuni et foudroie Idas. D’un poing enragé, Pollux tue Lyncée…

Maintenant, Pollux est seul, parmi les larmes et la nuit. Son frère est mort et il est seul. Il crie, il supplie. Zeus l’entend. Il déploie sa puissance et réunit les deux frères. Le mortel et l’immortel, pour toujours réunis au firmament, côte-à-côte, dans la constellation qui porte leur nom : les Gémeaux.

La belle Callisto

La légende grecque de la Grande Ourse, parue dans le TétrasLire n°93 Ours

La nymphe Callisto était belle entre toutes, elle était une des préférées de la déesse Artémis, avec qui elle parcourait les forêts à la poursuite des biches et des chevreuils, et il était difficile de dire qui, de la nymphe ou de la biche, avait le pied le plus léger. Sa beauté attira l’attention de Zeus, qui en tomba éperdument amoureux et parvint à la séduire.

La jeune Callisto tomba enceinte. Elle donna naissance à un fils qu’elle appela Arcas. Quand Héra découvrit l’aventure de Zeus avec Callisto, elle fut prise d’une jalousie affreuse et d’une colère bouillante. Elle transforma la belle Callisto en ourse velue, qui s’en alla se cacher au fonds des forêts.

Quinze années avaient passé, et Arcas était devenu un jeune chasseur intrépide. Ses pas croisèrent un jour la piste d’une grande ourse brune. L’ourse se dressa face à lui, et Arcas banda son arc… Mais Zeus ne permit pas que le fils tuât sa mère. Il les envoya l’un et l’autre dans le ciel, où ils se fixèrent en constellations, la Grande Ourse et la Petite Ourse, qui tournent dans la voûte céleste sans jamais disparaître, autour l’étoile Polaire.

Le Navire Argo

Le bateau devenu constellation, récit tiré du TétrasLire n°98 Toison d’or

Le roi d’Iolchos a été chassé de son trône par le traître Pélias. Jason, le fils du roi, est bien décidé à reprendre la couronne de son père. Pélias le met alors au défi de lui rapporter la Toison d’or, une peau de bélier fabuleuse gardée par un dragon. Jason assemble tous les héros de Grèce et embarque pour une expédition périlleuse sur un navire en tout point exceptionnel, l’Argo. Son constructeur serait un certain Argos, mais c’est la déesse Athéna qui préside à sa construction. C’est elle qui fournit la poutre centrale de la coque : taillée dans un chêne de la forêt de Dodone, cette poutre a un don d’oracle, c’est-à-dire qu’elle peut transmettre la parole des dieux.

Au cours du voyage, les Argonautes reçoivent la protection de Zeus, d’Héra, de Poséidon… Grâce aux faveurs divines, Jason parvient à s’emparer de la Toison d’or et à rejoindre son royaume d’Iolchos.

À la fin de l’expédition, l’Argo est bien abîmée par les aventures et les combats. Athéna ne permet pas que le navire soit détruit, elle la transforme en une immense constellation appelée le Navire Argo.

Bien des siècles plus tard, en 1750, l’astronome Lacaille décide de diviser cette constellation en trois groupes d’étoiles distincts : la Voile, la Carène (coque) et la Poupe (arrière du navire). Ces trois constellations sont visibles depuis l’hémisphère nord.

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